Actualité législative – février 2011

 

Adoption par le Sénat de la Loi dite Béteille 

La proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées (déposée par le Sénateur Laurent Béteille) a été adoptée par le Sénat et contient des réformes fondamentales :

  • aménagement de la charge du droit proportionnel visé par l’article 10 du décret tarifaire,
  • renforcement de la force probante du constat,
  • accès aux parties communes,
  • création d’une procédure de reprise des logements abandonnés,
  • renforcement de l’accès aux renseignements,
  • possibilité pour les huissiers de justice d’accomplir les mesures conservatoires après l’ouverture d’une succession,
  • possibilité pour une SEL d’avoir deux clercs aux constats,
  • l’huissier de justice salarié,
  • suppression du second original, pour favoriser la dématérialisation des actes,
  • introduction d’une obligation de formation continue,
  • transfert du pouvoir disciplinaire à la chambre régionale et autres modifications des compétences de celle-ci,
  • renforcement du rôle de la Chambre nationale, en matière de dématérialisation (possibilité de détenir un fichier des consentements pour la mise en oeuvre de la signification par voie électronique) et de déontologie (possibilité d’établir un règlement national),
  • renforcement de la place du constat locatif.

Et le 8 décembre 2010 a été adopté, en première lecture, au Sénat, le projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées (Projet de loi « Darrois »). La Chambre Nationale des huissiers de justice a décidé de profiter de ce véhicule législatif pour achever certaines réformes qui n’avaient pu aboutir dans la PPL Béteille et pour en lancer d’autres, comme l’achèvement de la réforme de la déontologie, afin d’éviter que des divergences puissent exister entre le futur règlement intérieur national et les règlements des chambres départementales (qui seront abrogés).

Les devoirs généraux de l’huissier de justice ont été formulés par le baron Favart de Langlade, rédacteur du décret du 14 juin 1813, ancienne charte des huissiers de justice, en des termes qui, pour avoir quelque peu vieilli, n’en conservent pas moins toute leur valeur, et dont l’esprit demeure.

Rappelons qu’envers les magistrats, ledit décret précisait qu’après la probité la plus scrupuleuse, un huissier doit mettre au rang de ses premiers devoirs le respect et la soumission qu’il doit aux magistrats en général, et particulièrement à ceux auprès desquels il est placé. Le respect ne consiste pas seulement dans des signes extérieurs produits par la présence du juge, mais il se manifeste dans toutes les circonstances. L’huissier ne doit jamais oublier que, pour que la justice soit respectée, il faut que les hommes qui rendent ses décisions soient toujours environnés de la plus grande considération. La soumission consiste à exécuter ponctuellement tous les ordres qui sont donnés, soit pour le service intérieur des audiences, soit pour des commissions particulières, soit enfin, pour tout autre objet relatif à l’administration de la justice, au bon ordre et à la discipline qui doit exister parmi les huissiers.

 

Décrets relatifs à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile

Les décrets n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 et n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 relatifs à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile sont entrés en vigueur le 1er janvier 2011 et instituent des délais très courts en matière de signification de déclaration d’appel et de signification de conclusions.

L’article 902 du Code de procédure civile modifie, en effet, les modalités d’information des intimés. Ces derniers sont toujours informés de la déclaration d’appel par lettre simple, avec indication de l’obligation de constituer avoué. Cependant, désormais, si l’intimé ne constitue pas avoué dans le mois de l’envoi de la lettre ou si la lettre est retournée au greffe, ce dernier doit en aviser l’avoué de l’appelant qui devra faire signifier dans le mois la déclaration d’appel, à peine de caducité de celle-ci .

L’acte de signification de la déclaration d’appel doit inviter l’intimé à constituer avoué dans les 15 jours, lui rappeler qu’à défaut l’arrêt sera rendu sur les seuls éléments fournis par son adversaire et que ses écritures seront irrecevables au terme d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant (CPC, art. 909 ).

De la même façon, l’article 911 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue des deux décrets, énonce que sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910 (caducité de la déclaration d’appel ou irrecevabilité relevée d’office, selon que la notification incombait à l’appelant ou à l’intimé), les conclusions sont notifiées par le greffe aux avoués des parties dans le délai d’un mois à partir de leur remise au greffe. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l’expiration de ce délai d’un mois aux parties qui n’ont pas constitué avoué ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avoué avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avoué.

 

Impact des nouvelles règles de la procédure de surendettement des particuliers sur les procédures d’exécution   

La loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation est entrée en vigueur, en ce qui concerne les modifications relatives aux procédures de surendettement et de rétablissement personnel, le 1er novembre 2010.

Les points importants de cette réforme pour la profession sont les suivants :

1. Réduction du délai d’instruction et d’orientation du dossier de surendettement, qui passe de six à trois mois à partir du dépôt du dossier. Selon le nouvel article L. 331 3. I, si, au terme de ce délai, la commission n’a pas décidé de l’orientation du dossier, le taux d’intérêt applicable à tous les emprunts en cours contractés par le débiteur est, au cours des trois mois suivants, le taux de l’intérêt légal, sauf décision contraire de la commission ou du juge intervenant au cours de cette période

2. Principe de suspension des mesures d’exécution forcées, posé par le nouvel article L.331-3-1 du Code de la consommation et qui interviendra dès la déclaration de recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement.

L’automaticité de la suspension des voies d’exécution est pondérée par la limitation de celle-ci à un an et par le régime particulier réservé à la procédure d’expulsion et de saisie immobilière:

– En ce qui concerne la procédure d’expulsion, puisque cette mesure ne constitue pas une mesure d’exécution sur les biens du débiteur mais sur sa personne, elle ne sera pas concernée par l’automaticité de la suspension des voies d’exécution. Le nouvel article L.331-3-2 du Code de la consommation prévoit que la commission pourra simplement, en cette matière, comme c’est le cas actuellement, saisir le Juge de l’exécution aux fins de suspension de la mesure d’expulsion.

– De même, en matière de saisie-immobilière, le texte prévoit que lorsque la vente forcée a déjà été ordonnée, le report de la date d’adjudication ne peut résulter que d’une décision du juge chargé de la saisie immobilière, saisi à cette fin par la commission, pour causes graves et dûment justifiées. 

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Décret n° 2010-1165 du 1er octobre 2010 relatif à la conciliation et à la procédure orale en matière civile, commerciale et sociale, entré en vigueur le 1er décembre 2010 

Le texte prévoit des dispositions spécifiques à chaque juridiction.

 Les dispositions particulières au tribunal d’instance et à la juridiction de proximité :

L’article 6 du décret ajoute des mentions obligatoires à l’assignation devant ces juridictions en ce qui concerne l’assignation à toutes fins (les nouvelles dispositions ne s’appliqueront donc pas aux assignations en référé). Le nouvel article 837 du Code de procédure civile énonce désormais que l’assignation doit contenir, à peine de nullité outre les mentions prescrites à l’article 56 :

  • Les lieu, jour et heure de l’audience à laquelle la conciliation sera tentée si elle ne l’a déjà été, et, le cas échéant, l’affaire jugée ;
  • Si le demandeur réside à l’étranger, les nom, prénom et adresse de la personne chez qui il élit domicile en France.

L’acte introductif d’instance rappelle en outre les dispositions de l’article 847-2 et mentionne les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, ainsi que, s’il y a lieu, le nom du représentant du demandeur.

L’assignation est accompagnée des pièces énumérées dans le bordereau annexé.

La rédaction du dernier alinéa de l’article 837 permet de penser que seule la copie remise au destinataire devra contenir les pièces car, selon les termes employés, les pièces «accompagnent» l’assignation ; elles ne sont donc pas partie intégrante de l’acte et ne sont pas visées à l’article 56 du Code de procédure civile.

Les pièces ne faisant pas partie de l’assignation doivent simplement être jointes à la copie remise au destinataire, mais n’ont pas à être annexées au premier et/ou au second original.

Dispositions de l’article 847-2 du Code de procédure civile : « Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil peut être formée par courrier remis ou adressé au greffe. Les pièces que la partie souhaite invoquer à l’appui de sa demande sont jointes à son courrier. La demande est communiquée aux autres parties, à l’audience, par le juge, sauf la faculté pour ce dernier de la leur faire notifier par le greffier, accompagnée des pièces jointes, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées ».

 Les dispositions particulières au tribunal de commerce :

Le quatrième alinéa de l’article 855 du Code de procédure civile est remplacé par l’alinéa suivant :

L’acte introductif d’instance mentionne en outre les conditions dans lesquelles le défendeur peut se faire assister ou représenter, s’il y a lieu, le nom du représentant du demandeur ainsi que les dispositions de l’article 861-2 ».

Le nouvel article 861-2 du CPC est ainsi rédigé :

Sans préjudice des dispositions de l’article 68, la demande incidente tendant à l’octroi d’un délai de paiement en application de l’article 1244-1 du code civil peut être formée par déclaration faite, remise ou adressée au greffe, où elle est enregistrée. L’auteur de cette demande doit justifier avant l’audience que l’adversaire en a eu connaissance par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Les pièces que la partie invoque à l’appui de sa demande de délai de paiement sont jointes à la déclaration.

L’auteur de cette demande incidente peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1. Dans ce cas, le juge ne fait droit aux demandes présentées contre cette partie que s’il les estime régulières, recevables et bien fondées ».

 Les dispositions particulières au juge de l’exécution :

L’article 15 du décret du 31 juillet 1992 indique que l’assignation devant le Juge de l’exécution contient, à peine de nullité, la reproduction des dispositions des articles 11 à 14.

Or l’article 10 du décret du 1er octobre 2010 a modifié la rédaction des articles 13, 13-1 et 14 du décret du 13 juillet 1992.

Les assignations devant le JEX doivent donc contenir la reproduction des articles 11 à 14 dans leur rédaction issue du Décret du 31 juillet 1992 à savoir :

« Article 11 : Les parties se défendent elles-mêmes. Elles ont la faculté de se faire assister ou représenter.

Article 12 : Les parties peuvent se faire assister ou représenter par un avocat, leur conjoint, leur concubin ou la personne avec laquelle elles ont conclu un pacte civil de solidarité, leurs parents ou alliés en ligne directe, leurs parents ou alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré inclus, les personnes exclusivement attachées à leur service personnel ou à leur entreprise. L’Etat, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics peuvent se faire assister ou représenter par un fonctionnaire ou un agent de leur administration. Le représentant, s’il n’est avocat, doit justifier d’un pouvoir spécial.

Article 13 : La procédure est orale

Article 13-1 : Le juge qui organise les échanges entre les parties comparantes peut dispenser une partie qui en fait la demande de se présenter à une audience ultérieure, conformément au second alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile. Dans ce cas, la communication entre les parties est faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats et il en est justifié auprès de la juridiction dans les délais qu’elle impartit.

Article 14 : En cours d’instance, toute partie peut aussi exposer ses moyens par lettre adressée au juge de l’exécution, à condition de justifier que l’adversaire en a eu connaissance avant l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

La partie qui use de cette faculté peut ne pas se présenter à l’audience, conformément au second alinéa de l’article 446-1 du code de procédure civile ».

 Les dispositions particulières au tribunal paritaire des baux ruraux :

L’article 883 est remplacé par les dispositions suivantes :

Les parties ont la faculté de se faire assister ou représenter. Toutefois, lors de la tentative préalable de conciliation, elles sont tenues de comparaître en personne, sauf à se faire représenter en cas de motif légitime ».

Les deux premiers alinéas de l’article 885 sont remplacés par les dispositions suivantes :

La demande est formée et le tribunal saisi par déclaration faite, remise ou adressée au greffe du tribunal ou par acte d’huissier de justice adressé à ce greffe.

Lorsqu’elle est formée par déclaration au greffe, la demande comporte les mentions prescrites par l’article 58. ».

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Décret n° 2010-1134 du 29 septembre 2010 relatif à la procédure civile de protection des victimes de violences au sein des couples, entré en vigueur le 1er décembre 2010

Ce texte a créé, dans le code de procédure civile, une section relative à la procédure aux fins de mesures de protection des victimes de violence. Cette procédure concerne les actions fondées sur l’article 515-9 et l’article 515-13 du Code civil en matière de requêtes en ordonnance de protection (lorsque les violences exercées au sein du couple mettent en danger la personne qui en est victime).

Par dérogation aux articles 58 et 648 du CPC, l’article 1136-5 du CPC dispose que le demandeur peut être dispensé d’indiquer son adresse dans l’acte introductif d’instance, dans la mesure où il a obtenu l’autorisation de dissimuler son domicile ou sa résidence en vertu de l’article 515-11 6 du Code civil.

Aux termes de l’article 1136-9 alinéa 2, la notification (ou la signification) de l’ordonnance prononçant une mesure de protection doit reproduire les dispositions des articles 227-4-2 et 227-4-3 du code pénal.