Actualité législative – novembre 2016

 

Commissaires de justice, petites liquidations et recouvrement des petites créances

 

I – Les Commissaires de justice :

L’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice emporte création de la profession de commissaire de justice, regroupe les professions d’huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire et entrera en vigueur le 1er juillet 2022.

A cette date, le futur commissaire de justice exercera l’ensemble des activités aujourd’hui dévolues par les statuts respectifs des deux professions concernées en distinguant clairement les activités relevant du monopole de celles qui peuvent être exercées de manière concurrentielle.

A ce titre, l’article 1er de l’ordonnance intègre les nouvelles missions créées par la loi du 6 août 2015, telle l’activité de liquidateur en matière de petites liquidations (activité à titre concurrentiel) ; et en consacre explicitement d’autres, telle l’activité de séquestre conventionnel (art. 1er).

L’architecture de l’ordonnance repose sur une ossature similaire à celle de l’ordonnance du 2 novembre 1945. La principale nouveauté réside dans la suppression des chambres départementales des huissiers de justice, échelon qui n’avait pas de pendant chez les commissaires-priseurs judiciaires. L’organisation de la profession s’articulera autour de deux échelons :

– une chambre nationale des commissaires de justice ;

– et une chambre régionale des commissaires de justice dans chaque ressort de cour d’appel.

Le traitement de la discipline se fera par une chambre de discipline siégeant auprès de la chambre régionale. Il est à noter que pour l’activité de liquidation judiciaire, le commissaire de justice relèvera de la commission nationale d’inscription et de discipline des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires instituée à l’article L. 814-1 du Code de commerce.

La fusion entre les huissiers de justice et les commissaires de justice se fera progressivement, une période transitoire prévue à cet effet s’étale du 1er janvier 2019 au 1er juillet 2026.

Schématiquement :

– les deux professions restent distinctes et exercent leurs activités dans le respect des conditions prévues par leurs statuts respectifs jusqu’au 1er juillet 2022. Un huissier de justice pourra toutefois accoler la qualification de « commissaire de justice » à son titre, s’il remplit les conditions de formation prévues par décret (encore à définir) ; corrélativement, un commissaire-priseur judiciaire pourra accoler la qualification de « commissaire de justice » à son titre, s’il remplit les conditions de formation ; la terminologie « commissaire de justice » pourra donc être utilisé dès parution des décrets (et accomplissement des formations) ;

– à compter du 1er juillet 2022, les deux professions seront réunies au sein de la profession de commissaire de justice, ce qui comporte les conséquences suivantes :

1. les nouveaux entrants seront des commissaires de justice ;

2. les professionnels en exercice pourront continuer leurs activités sous le titre d’huissier de justice (ou de commissaire-priseur judiciaire) s’ils ne satisfont pas aux conditions de formations.

– Ces conditions devront être remplies au plus tard au 1er juillet 2026.

La mise en œuvre de cette période transitoire sera la suivante :

 

1°) Du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 :

– Prorogation des mandats des membres de la CNHJ, ainsi que ceux des membres du Bureau.

– Jusqu’au 31 décembre 2018, la CNHJ assure l’organisation de la formation spécifique destinée aux commissaires-priseurs judiciaires ainsi qu’aux candidats à ces fonctions.

– Jusqu’à cette même date, la Chambre nationale des commissaires-priseurs judiciaires assure la formation spécifique destinée aux huissiers de justice ainsi qu’aux candidats à ces fonctions.

 

2°) Du 1er janvier 2019 au 30 juin 2022 :

1. Niveau national

– La nouvelle Chambre nationale des commissaires de justice prend ses fonctions et est composée à parité de membres représentant les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires.

– Nouvelles élection des membres de la Chambre nationale des commissaires de justice et des membres du bureau.

2. Niveau régional

– Mise en place dans chaque ressort des compagnies de commissaires-priseurs judiciaires d’une commission chargée de préparer le rapprochement des instances représentatives locales.

3. Exercice des activités

– Les deux professions restent distinctes et exercent les activités dévolues par leurs statuts respectifs.

En conséquence : l’activité de vente volontaire peut être exercée au sein de l’office.

– Les huissiers de justice n’ayant jamais effectué de ventes volontaires devront suivre une formation spécifique ;

– Les huissiers de justice n’ayant jamais effectué de ventes judiciaires devront suivre une formation spécifique (à définir). Cette formation permettra d’obtenir la qualification « commissaire de justice » (l’activité de vente volontaire étant par nature concurrentielle, elle n’entre pas en considération dans la possibilité d’accoler la qualification de « commissaire de justice »).

– Les deux professions sont prises en compte dans deux cartographies distinctes pour la mise en œuvre du principe de la « liberté d’installation ».

 

3°) A compter du 1er juillet 2022

1. Niveau national

– Renouvellement de la Chambre nationale des commissaires de justice selon les nouvelles modalités électives.

2. Niveau régional

– Entrée en fonction des chambres régionales des commissaires de justice. – Nouvelles élections selon les nouvelles modalités électives.

3. Exercice des activités

– Les deux professions fusionnent sous l’appellation de « commissaire de justice ».

– Tous les professionnels, à la condition de remplir les conditions de formation, peuvent exercer la totalité des missions monopolistiques ou concurrentielles.

– Les professionnels ne remplissant pas les conditions de formation continuent d’exercer sous leur ancienne appellation et pour les seules missions autorisées.

– L’activité de vente volontaire ne peut plus être exercée au sein de l’office mais devra l’être au sein d’un Opérateur de Vente Volontaire.

Les deux professions sont prises en compte dans la même cartographie pour la mise en œuvre du principe de la « liberté d’installation ».

– Les professionnels ne remplissant pas les conditions de formation cessent d’exercer.

 

II – Les petites liquidations

L’Ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016 relative à la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateur ou d’assistant du juge commis dans certaines procédures prévues au titre IV du livre VI du code de commerce est parue au Journal JORF n° 0128 du 3 juin 2016.

L’article 64 de la Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques autorisait le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la promulgation de la loi, des mesures destinées à permettre la désignation en justice, à titre habituel, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires en qualité de liquidateurs dans le cadre des procédures de liquidation judiciaire ou d’assistant du juge commis dans le cadre des procédures de rétablissement professionnel, exclusivement dans les procédures ouvertes à l’encontre de débiteurs n’employant aucun salarié et réalisant un chiffre d’affaires annuel hors taxes inférieur ou égal à 100 000 €.

C’est donc en application de cette habilitation qu’est parue au JO du 3 juin 2016, l’ordonnance n° 2016-727 du 2 juin 2016 qui contient diverses disposition adaptant les conditions de désignation des personnes chargées de la liquidation au statut et aux règles professionnelles propres aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires, en veillant à maintenir les exigences déjà existantes en termes d‘indépendance et de prévention des conflits d’intérêts.

Ces risques ont pu en effet être jugés plus importants dès lors que les huissiers de justice et les commissaires-priseurs n’exercent pas par définition les fonctions de mandataire judiciaire à titre exclusif et qu’ils peuvent être amenés à représenter l’intérêt particulier de créanciers avant l’ouverture d’une procédure collective : dans ce cas, il existe en effet un conflit d’intérêt interdisant la désignation en tant que mandataire liquidateur chargé de représenter l’intérêt collectif des créanciers.

Outre la prévention des conflits d’intérêts, les dispositions de l’ordonnance prévoient également l’adaptation des règles de surveillance, de contrôle et d’inspection de ces activités.

Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur le 1er janvier 2017 et seront applicables aux procédures ouvertes après son entrée en vigueur.

Ci-joint, en synthèse, les éléments essentiels de ce nouveau texte :

 

1°) champs des nouvelles activités

Liquidation judiciaire : L’article 2 de l’ordonnance modifie l’article L. 641-1 C. Com. afin de préciser que, s’agissant des procédures de liquidation judiciaire entrant dans le champ de l’habilitation, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires pourront être désignés à titre habituel à côté des mandataires judiciaires et des professionnels pouvant être désignés à titre occasionnel dans les conditions prévues au premier alinéa du II de l’article L. 812-2 du code de commerce.

Rétablissement professionnel : L’article 3 de l’ordonnance prévoit la possibilité de désigner comme assistant du juge commis, outre les mandataires judiciaires, les personnes pouvant être désignées à titre occasionnel conformément aux dispositions du premier alinéa du II de l’article L. 812-2 du code de commerce ainsi que les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires.

L’article 8 complète l’article L. 812-2 C. Com. qui encadre la désignation des professionnels dits « occasionnels », soit ceux qui ne sont pas inscrits sur la liste nationale des mandataires judiciaires, par un alinéa spécifique aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires. Contrairement à ces professionnels occasionnels, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires pourront être nommés par le tribunal sans que ce dernier n’ait à motiver sa décision, et ils pourront l’être de manière habituelle.

L’article 20 1° de l’ordonnance inscrit cette nouvelle compétence des huissiers de justice au second alinéa de l’article 1er de l’ordonnance de 1945 qui énumère les activités non monopolistiques des huissiers de justice pour lesquels la compétence est nationale.

 

2°) Obligation d’ouverture d’un compte spécifique

L’article 20 2° de l’ordonnance impose l’ouverture par les huissiers de justice d’un compte spécifique auprès de la Caisse des dépôts et consignations, dès lors qu’ils sont désignés en tant que mandataire judiciaire, destiné à recevoir les sommes détenues dans le cadre de l’exécution de ces nouveaux mandats de justice prévus par la présente ordonnance.

Ce compte devra être dédié à cette nouvelle activité. Les sommes qui y seront déposées produiront des intérêts dont une quote-part sera prélevée afin de constituer la cotisation des huissiers de justice au fonds de financement des dossiers impécunieux, selon les mêmes modalités que celles prévues pour les mandataires judiciaires inscrits et permettant d’assurer aux mandataires désignés par le tribunal une rémunération minimale, même en cas de procédures impécunieuses.

Il appartient aux chambres régionales le pouvoir de contrôle de la tenue de la comptabilité et du fonctionnement de cette comptabilité spéciale.

 

3°) Prévention des conflits d’intérêts

A l’instar de ce qui est prévu pour la procédure de liquidation judiciaire à l’article L. 641-1 du code de commerce, l’article 3 de l’ordonnance ajoute en matière de rétablissement personnel que la personne désignée doit faire connaître sans délai tout élément qui pourrait justifier son remplacement et permet au tribunal de procéder, d’office ou sur proposition du juge-commissaire, au remplacement de la personne désignée.

Pour être désigné, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires ne devront pas, au cours des cinq années précédentes, avoir perçu à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, une rétribution ou un paiement de la part d’une personne physique ou morale faisant l’objet d’une mesure de redressement ou de liquidation judiciaires mais également d’une procédure de rétablissement professionnel ou d’une personne qui détient le contrôle de cette personne morale ou de l’une des sociétés qu’elle contrôle.

Ils ne doivent, en outre, avoir aucun intérêt dans le mandat qui leur est donné et n’être pas au nombre des anciens administrateurs ou mandataires judiciaires ayant fait l’objet d’une décision de radiation ou de retrait des listes nationales.

Ils devront enfin attester sur l’honneur remplir ces conditions, ce qui impliquera de vérifier pour chaque mandat confié qu’ils ne sont pas liés de près ou de loin à l’une des parties de la procédure et en transmettre copie au magistrat inspecteur régional, magistrat désigné par le garde des sceaux, ministre de la justice, parmi les magistrats des parquets généraux pour l’inspection des mandataires judiciaires ainsi que des professionnels désignés à titre occasionnel.

 

4°) Dispositions pénales

L’article 11 de l’ordonnance étend aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires l’infraction pénale prévue à l’article L. 812-10 d’usurpation du titre de mandataire judiciaire, si ces derniers font état de cette qualité en dehors des mandats qui leur sont confiés en application de la présente ordonnance.

 

5°) Discipline

Lorsqu’ils interviennent dans le cadre de l’activité de liquidation judiciaire, les huissiers de justice sont soumis au contrôle de la Commission nationale d’inscription et de discipline des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires.

Par ailleurs, cette activité sera soumise au contrôle effectué par le Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. Ils seront également soumis à des inspections confiées à l’autorité publique, et plus précisément aux magistrats inspecteurs régionaux et au magistrat coordonnateur désignés par le garde des sceaux, ministre de la justice.

 

6°) Obligation d’assurance

L’article 14 de l’ordonnance étend aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires l’obligation imposant aux professionnels désignés à titre occasionnel de souscrire une assurance couvrant leur responsabilité civile professionnelle ainsi qu’une garantie de représentation des fonds qu’ils seront amenés à manier dans le cadre des mandats qui leur seront confiés.

 

7°) Obligation de formation

L’article 16 étend les dispositions de l’article L. 814-9 qui impose aux mandataires judiciaires une obligation de formation continue aux huissiers de justice et aux commissaires-priseurs judiciaires, tout en renvoyant à leur statut s’agissant des modalités d’application.

 

III – Le recouvrement des petites créances

Deux arrêtés du 3 juin 2016 complètent le dispositif issu de la loi du 6 août 2015 pour la mise en œuvre de la nouvelle procédure simplifiée de recouvrement des petites créances. Le premier arrêté confie à la CNHJ la responsabilité de gérer une plateforme nationale unique pour la mise en œuvre de la procédure par voie électronique et précise les garanties exigées pour son fonctionnement. Le second arrêté fixe le contenu des documents-type de la procédure.

La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en œuvre sans condition si les études utilisent exclusivement la voie papier.

Dès lors que les relations avec les clients comportent tout moyen de communication électronique, les huissiers de justice doivent en revanche utiliser obligatoirement la nouvelle plateforme « Petites créances ».

Deux arrêtés viennent compléter la nouvelle procédure simplifiée de recouvrement des petites créances instituée par l’article 208 de la loi du 6 août 2015 et son décret d’application n° 2016-285 du 9 mars 2016.

1° Le premier texte est l’arrêté du 3 juin 2016 relatif à la mise en œuvre par voie électronique de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances .

Cet arrêté précise les modalités de communication électroniques, d’échange et de toute transmission non seulement entre les huissiers de justice mais également entre les huissiers de justice les parties dès lors que la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances est mise en œuvre par voie électronique (article 1er).

Il précise que dès lors que la procédure est mise en œuvre par voie électronique, l’intégralité des communications entre l’huissier de justice et chacune des parties doit être réalisée au moyen d’un système dénommé « Petites créances » (www.petitescreances.fr), opéré sous la responsabilité de la Chambre nationale des huissiers de justice (article 2).

L’arrêté fixe ainsi le cadre exclusif de toute communication électronique pour la mise en œuvre de la nouvelle procédure. A l’instar de ce qui existe déjà en matière de signification par voie électronique, s’agissant d’une matière réservée à la profession, il confie à la Chambre nationale des huissiers de justice la responsabilité de mettre en place une solution unique permettant la mise en œuvre uniforme, sur le plan national, de la nouvelle procédure.

Afin d’encadrer d’un point de vue technique cette nouvelle procédure (qui confie à l’huissier de justice la possibilité de délivrer des titres exécutoires, en cas d’accord entre le créancier et le débiteur sur le montant et les modalités de paiement de la créance) le système mis en place par la CNHJ devra permettre de garantir la fiabilité de l’identification des parties à la communication électronique, l’intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées, l’établissement de manière certaine de la date d’envoi et celle de la réception par le destinataire ainsi que la signature du titre exécutoire par l’huissier de justice par l’utilisation un certificat électronique qualifié. L’accès au système s’effectuera, conformément aux dispositions de l’arrêté, uniquement par l’utilisation du «réseau privé sécurisé huissiers » (RPSH) à travers la plate-forme de services de communication électronique sécurisée « e-huissier ».

2° Le second texte est l’arrêté du 3 juin 2016 établissant un modèle de lettre et formulaires en matière de procédure simplifiée de recouvrement des petites créances .

Prévu au dernier alinéa de l’article R 125-2-1 du Code des procédures civiles d’exécution créé par le décret du 9 mars 2016, cet arrêté fixe le modèle-type de la lettre recommandée qui doit être adressé par l’étude d’huissier de justice au débiteur aux fins de l’inviter à participer à la procédure, et dont l’envoi marque le départ du délai de trente jours qui encadre l’intégralité de celle-ci.

Comme prévu à l’article R. 125-2.-I, cette lettre recommandée avec demande d’avis de réception indique :

–         Le nom et l’adresse de l’huissier de justice mandaté pour mener la procédure ;

–         Le nom ou la dénomination sociale du créancier, son adresse ou son siège social ;

–         Le fondement et le montant de la somme due en principal et intérêts, en distinguant les différents éléments de la dette.

–         La reproduction des articles L. 111-2 et L. 111-3 du présent code et des articles 1244-4 et 2238 du code civil.

–         La possibilité pour le destinataire d’accepter ou refuser cette procédure.

–         Les moyens de répondre favorablement ou défavorablement à l’invitation

–         Le fait que l’absence de réponse dans le délai d’un mois vaut refus implicite ;

–         Qu’en cas de refus exprès ou implicite, le créancier pourra saisir le juge afin d’obtenir un titre exécutoire.

L’arrêté prévoit également le modèle du formulaire de réponse qui doit être adressé avec la lettre d’invitation.