IV – Nouvelle procédure de saisies-conservatoires et d’exécution sur les biens appartenant aux Etats étrangers :
La loi Transparence du 9 décembre 2016 a défini un nouveau cadre formel concernant les immunités d’exécution des Etats étrangers auparavant régi par le droit international coutumier. Si la loi reprend beaucoup de règles jurisprudentielles elle impose, s’agissant de la mise en œuvre des mesures de saisies, des exigences nouvelles et dérogatoires du droit commun.
Ainsi, même en possession d’un titre exécutoire, le créancier se voit désormais obligé de faire autoriser par le juge judiciaire toute mesure sur les biens d’un Etat étranger, selon une procédure sur requête dont le régime est précisé par le Décret du 6 mai 2017. Cette nouvelle procédure est entrée en vigueur le 11 mai 2017.
Une dépêche de présentation du nouveau régime d’autorisation préalable par le JEX de Paris des mesures d’exécution portant sur des biens appartenant à des Etats étrangers a été publiée et diffusée par la Direction des affaires civiles et du Sceaux auprès des juridictions le 4 août dernier, accompagnée de fiches techniques décrivant en détail la procédure applicable devant le JEX du TGI de Paris et rappelant les dispositions en vigueur sur le régime des immunités d’exécution dont bénéficient les Etats étrangers.
Les articles L. 111-1-1 à L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d’exécution créés par l’article 59 de la loi dite « Transparence » ou « Sapin II » du 9 décembre 2016 encadrent désormais, en le clarifiant, le régime de protection des biens des États étrangers situés sur le territoire français.
Jusqu’à présent en effet, en l’absence de disposition légale, ce régime n’était exclusivement fixé que par la jurisprudence et les règles du droit international coutumier, ce dernier prévoyant que les États étrangers et leurs agents diplomatiques jouissent d’une immunité d’exécution de principe.
Le principe d’immunité de juridiction et d’exécution des États étrangers reconnu par la Cour de cassation n’était déjà pas toutefois absolu et la Cour de cassation, s’appuyant notamment sur la convention des Nations unies de 2004, jugeait qu’une mesure conservatoire ou une saisie sur des biens appartenant aux Etats étrangers était toujours possible lorsque, par exemple, l’Etat avait déclaré renoncer à son immunité d’exécution ou que le bien saisi avait été affecté à l’activité économique ou commerciale relevant du droit privé.
La loi Sapin II, puis le décret d’application du 6 mai 2017, entrés en vigueur le 11 mai dernier, encadrent désormais légalement le régime des mesures d’exécution et des saisies conservatoires des biens appartenant aux États étrangers.
La principale mesure de ce dispositif est de créer une procédure d’autorisation sur requête devant le JEX de Paris, exclusivement compétent en cette matière (le législateur ayant souhaité confier cette matière très technique et hautement délicate sur le plan diplomatique à un juge spécialisé), préalablement à toute mesure conservatoire ou d’exécution sur les biens appartenant aux Etats étranger (nouveaux art. L111-1-1 et R111-1 et s. du CPCE).
Il s’agit formellement, outre la compétence territoriale spécifique, d’une procédure classique d’ordonnance sur requête. Les textes règlementaires précisent que le juge est saisi d’une requête motivée qui doit être présentée en double exemplaire et comporter l’indication précise des pièces invoquées.
Le JEX de paris pourra autoriser la mesure par ordonnance motivée ou rejeter la requête. Dans ce dernier cas, le requérant pourra alors interjeter appel dans un délai de quinze jours.
Si le juge de l’exécution autorise la mesure, l’ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. Elle n’aura donc pas à être signifiée à l’État étranger avant d’être exécutée et la minute de l’ordonnance devra simplement être présentée par l’huissier de justice lorsqu’il procèdera à la mesure autorisée par l’ordonnance.
Par ailleurs, l’exécution de la mesure autorisée sera effectuée selon les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution propres aux mesures mises en oeuvre. Ainsi, lorsque la mesure autorisée par l’ordonnance sera diligentée entre les mains d’un tiers détenteur, une dénonciation devra être faite à l’État étranger avec une copie de la requête et de l’ordonnance. L’État étranger aura ainsi la possibilité de saisir le juge de l’exécution en référé-rétractation.
Cette procédure d’autorisation préalable à toutes mesures conservatoire ou d’exécution a pour objectif de laisser au juge judiciaire, dans une matière susceptible de créer des tensions diplomatiques importantes, le soin d’apprécier si les conditions exigées à l’article L. 111-1-2 du Code des procédures civiles d’exécution pour que les immunités d’exécution soient levées sont bien réunis.
La requête devra notamment être accompagnée des moyens de preuve permettant au juge d’apprécier, alternativement :
– que l’État débiteur a expressément consenti, antérieurement ou postérieurement au jugement, à l’application d’une telle mesure et à la levée de son immunité d’exécution ;
– L’affectation du bien objet de la saisie à la satisfaction de la demande qui fait l’objet de la procédure au fond,
– Ou que dans l’hypothèse où un jugement ou une sentence arbitrale a d’ores et déjà été rendu contre l’État concerné, l’exécution concerne un bien situé en France et spécifiquement utilisé ou destiné à être utilisé par l’État débiteur autrement qu’à des fins de service public non commerciales. |