Actualité législative – Mars 2017

Compétence territoriale des huissiers de justice – Dématérialisation des échanges avec les préfectures et les CCAPEX – Le testing comme mode de preuve :

I – Décret n° 2016-1875 du 26 décembre 2016 relatif à la compétence territoriale des huissiers de justice

A partir du 1er janvier 2017, la compétence territoriale des huissiers de justice, pour les actes monopolistiques (article 1er, alinéa 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945) est élargie au ressort de la cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle.

Pour les activités non monopolistiques (article 1er, alinéas 2 et 4), elle est nationale.

Toutefois, le ministère obligatoire pour les activités monopolistiques est maintenu dans les limites actuelles (ensemble des tribunaux de grande instance du département).

Le décret n° 2016-1875 du 26 décembre 2016 relatif à la compétence territoriale des huissiers de justice est pris en application de l’article 54 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a modifié l’article 3 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, en instituant le principe :

– D’une compétence nationale des huissiers de justice pour les activités qu’ils exercent en concurrence avec d’autres professionnels (ces activités n’étant pas, en principe, tarifées),

– Et d’une compétence élargie au ressort de la cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle s’agissant des activités monopolistiques (et tarifées).

Par ailleurs, le 3° du second alinéa de l’article 3 de l’ordonnance de 1945 dans sa rédaction issue de la loi a précisé qu’un décret en Conseil d’Etat devait définir le ressort territorial au sein duquel les huissiers de justice sont tenus de prêter leur ministère ou leur concours. En effet, afin de prendre en compte l’élargissement de la compétence territoriale, la loi a institué en effet une dichotomie nouvelle, entre d’une part le ressort de la compétence territoriale (où l’huissier de justice peut accomplir ses prestations monopolistiques) et d’une autre part et le ressort du ministère forcé (où il doit les accomplir, s’il en est requis).

Le décret précise donc les conditions d’application de l’article 3 de l’ordonnance de 1945, en vigueur à partir du 1er janvier 2017.

A cette fin, il modifie l’article 5 du décret de 1956 pour étendre au ressort de la Cour d’appel au sein duquel ils ont établi leur résidence professionnelle, la compétence territoriale des huissiers de justice s’agissant de leurs activités monopolistiques (visées aux 1er et troisième alinéas de l’ordonnance de 1945).

Le décret prévoit toutefois, en application du 3° du second alinéa de l’article 3 de l’ordonnance de 1945, que les huissiers de justice s’ils sont compétent sur l’ensemble du ressort de la Cour d’appel, n’ont l’obligation de prêter leurs concours que dans les limites du ressort de l’ensemble des tribunaux de grande instance du département dans lequel ils sont établis. Ainsi, la zone géographique correspondant au ministère forcé coïncide avec la compétence territoriale actuelle des huissiers de justice.

II – Dématérialisation des échanges entre les huissiers de justice, les préfectures et les CCAPEX en matière de résiliation de baux d’habitation et d’expulsion

La loi du 27 janvier 2017 rend obligatoire la transmission par voie dématérialisée des notifications prévues par la loi au Préfet et à la CCAPEX en matière de résiliation de baux d’habitation et d’expulsion des locaux à usage d’habitation.Cette transmission dématérialisée, qui sera obligatoire au plus tard au 31 décembre 2017, s’effectuera par le biais d’une plateforme électronique unique, EXPLOC, permettant l’interfaçage de l’ensemble des administrations concernées et de l’huissier de justice.

La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, publiée au Journal officiel du 28 janvier 2017 (rectificatif publié au Journal officiel du 31 janvier 2017) contient une disposition rendant obligatoire la transmission par voie électronique des actes d’huissiers en matière de prévention des expulsions.

L’article 152 de la loi modifie en effet l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 en imposant la dématérialisation via le système EXPLOC des signalements et saisines parvenant au Préfet ou à la CCAPEX en provenance des huissiers de justice.

Aux termes de l’article 152 de la loi du 27 janvier 2017, l’obligation de transmission par voie dématérialisée s’appliquera :

1°) lors de la procédure de résiliation du bail :

–         Au signalement prévu par l’alinéa 4 du I de l’article 24 de la loi de 1989 du commandement de payer dès lors que le montant ou l’ancienneté de la dette dépasse le seuil fixé par le préfet,

–         A la saisine des CCAPEX prévue au II et IV de l’article 24 de la loi de 1989, deux mois avant toute assignation aux fins de constat de résiliation du bail ou de prononcé de la résiliation du bail demandé par un bailleur personne morale autre qu’une SCI familiale,

–         A la notification au préfet, prévue à peine d’irrecevabilité de la demande par les III et IV de l’article 24 de la loi de 1989, au moins deux mois avant l’audience, de l’assignation aux fins de constat de la résiliation ou au fin de prononcé de la résiliation du bail.

2°) lors de la procédure d’expulsion :

–         A la dénonciation au Préfet du commandement de quitter les lieux (si le local est affecté à l’habitation principale) prévue à l’article L 412-5 du CPCE (jusqu’à aujourd’hui, le second alinéa de cet article prévoyait une simple faculté d’utiliser la voie dématérialisé. A partir du 31 décembre 2017, cette transmission sera effectuée obligatoirement par voie dématérialisée),

–         A la requête du concours de la force publique : le 2° de l’article 152 de la loi du 27 janvier 2017 créé un article L. 431-2 dans le CPCE énonçant : « En matière d’expulsion, lorsqu’il requiert le concours de la force publique, l’huissier de justice chargé de l’exécution procède par voie électronique par l’intermédiaire du système d’information prévu au dernier alinéa de l’article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement».

III – Le recours au testing comme mode de preuve

La loi admet le principe du testing non seulement comme mode de preuve d’une infraction, mais désormais également comme mode de preuve recevable en droit civil au soutien d’une action en responsabilité.

La loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, publiée au Journal officiel du 28 janvier 2017 (rectificatif publié au Journal officiel du 31 janvier 2017) contient, dans son article 180, une disposition inscrivant au deuxième alinéa de l’article 4 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, le principe selon lequel le testing permettant de démontrer un agissement discriminatoire est susceptible de fonder une action en responsabilité devant les juridiction civiles.

Dès lors qu’une différence de traitement illicite est révélée à l’occasion d’un testing, la responsabilité civile de l’auteur de la discrimination pourra être engagée, quand bien même les personnes participant au testing n’avaient pas réellement l’intention de souscrire un contrat ou de bénéficier d’une prestation de service à l’occasion de laquelle il est apparu qu’elles faisaient l’objet d’une discrimination.

Il s’agit d’une consécration par la loi d’une jurisprudence de la Cour de cassation, qui renforce encore l’intérêt et la valeur des constats d’huissier de justice en matière de discrimination.